Des bonhommes pas trop beaux

Devinez quel est mon bonhomme et quel est celui de ma stagiaire ?

Et oui, le mien c'est le petit machin rouge tout plat et sans nez, alors que le sien est le beau bleu qui tient debout sur un stylo et est prêt pour la fashion week.

Pourquoi est-ce que je vous parle de ça me direz vous ? Parce que j'ai fais la même chose lorsque j'étais stagiaire et que je me dis que ça doit pouvoir servir à d'autres personnes.

Toute notre vie on nous encourage à faire de notre mieux. Alors lorsqu'on se met a dessiner un bonhomme on sort les grands moyens. Des ombres, du réalisme, on sort le grand jeu (libre à chacun d’interpréter pourquoi on fait ça, même devant un gamin de 8 ans). Je me souviens encore de la scène, du petit de 5 ans qui gribouille sans trop oser et qui dit qu'il n'a pas envie, et de moi qui lui fait un magnifique (bon c'est relatif) personnage en me disant que ça lui ferait plaisir.

Bon, ça ne lui a pas fait plaisir même si moi je ne l'ai pas perçu sur le moment.

Je me souviens aussi de mon maitre de stage qui me demande « si tu avais du mal à dessiner, que tu savais que tu étais en décalage avec tes camarades et que tu le vivais difficilement, est ce que tu aurais envie de dessiner à côté de quelqu'un qui le fait bien ? »

Non, bien sur.

A vouloir trop bien faire on risque d'accentuer des blocages ou un manque de confiance en lui de l'enfant. La comparaison mais d'autant plus en avant l'écart. Même si nous relativisons en disant « c'est parce que moi je suis adulte" ; lui il voit surtout que le sien « il est pas beau ».

Depuis je prends toujours en compte l'enfant dans son histoire, et dans le doute si je ne le connais pas encore, je dessine mal (ou pas du tout). Mais hors situation bien précises, je ne fais plus rien de joli en séance.

On me dira peut être « t'as qu'à pas dessiner ».

Ben oui mais non, parce que pour certains enfants c'est important qu'on dessine. Pendant qu'on dessine, on ne les regarde pas, ils sont surs qu'on est concentré sur quelque chose d'autre qu'eux. Du coup s'ils estiment s'être ratés, ils peuvent faire disparaître les preuves. J'ai une petite qui ne dessine que dans le plus grand secret et ne montre le résultat que si elle aime par exemple.

Et puis surtout, notre dessin peut être un formidable point d'appui. Mais cela signifie connaître l'enfant et nos objectifs :

• Si c'est soutenir des compétences déjà présentes et l'aider à les exprimer, on dessine quelque chose de son niveau. En cas de doute, de stress, de page blanche... il peut jeter un œil sur ce que l'on fait.
• Si c'est pour apprendre de nouvelles compétences, cela permet de faire un dessin de l'état juste au dessus. Le dessin sert alors de modèle pour inspirer de nouvelles acquisitions, d'incitation à tester de nouvelles choses.

Le dessin que nous gribouillons à côté de l'enfant devient alors un réel outil en soi, qu'il faut penser et ajuster. Alors toi le professionnel qui passe à côté de nous en ricanant, sache que c'est du boulot !

Non, parce qu'il n'est pas question de faire un gros pâté en lui disant : « t'as vu comme c'est beau ce que je sais faire ? ». Je décris, je précise que j'essaye un nouveau style, je pars de l'idée de l'enfant... Bref on ne fait pas semblant d'être à notre top niveau, c'est important de garder la confiance du patient et ils ne sont pas dupes.

A la maison c'est pareil. Généralement je pars de ce que fait Melle pour proposer quelques nouvelles idées. C'est elle qui dicte ce que l'on dessine : une tête, un bras... et je tente de faire des choses accessibles pour elle aussi

Alors à vous les bonhommes grassouillés aux jambes de grenouilles, les cheveux filasses et les mains de salamandre. On décomplexe et on s'amuse !

Et comme toujours si cet article vous a intéressé, rejoignez nous sur la page facebook du blog, ou inscrivez vous à la newsletter pour ne pas rater les suivants !