Petite méthodologie pour créer des angoisses de réussite chez un ado autiste

 

 

 

 

C'est facile, c'est rapide, et ça ne demande pas de formation spécifique

Bonjour ! Aujourd'hui je voulais vous présenter Antonin, et comment avec plein de bonnes intentions et pas assez de formation, on peut mal utiliser des techniques par ailleurs efficaces et obtenir un résultat qu'on aurait préféré éviter à l'enfant. On ne retirera jamais les « ratés » des séances, mais si nos institutions/l'état (Coucou!) voulaient bien financer des vraies formations poussées et pas juste des survols ou des « on va en former un qui expliquera aux autres » (ben tiens on va faire ça avec les médecins aussi pour voir) on éviterait ce genre de situation pour l'enfant et de s'entendre dire « tu vois bien que ça marche pas ton truc » (mec si tu mets des pâtes dans de l'eau froide, c'est pas le concept de cuisson qui a foiré, c'est ta méthodologie). Bref.
Aujourd'hui je vous parle d'Antonin donc.


Antonin est autiste. Il a 14 ans, est en Uliss collège et pète un plomb chaque fois qu'il ne réussi pas quelque chose. Il panique également avant chaque évaluation, au point de rester alité chez lui. Plus le temps passe, plus ce comportement augmente, pourtant on lui a expliqué en long, en large en picto que se tromper ce n'est pas grave. On l'a écrit. On a fait exprès de se tromper nous même devant lui. Mais rien à faire Antonin ne veut rien savoir.

Antonin est quelqu'un d'amimique et il ne s’intéresse pas trop à la relation. Lui ce qu'il aime, depuis toujours, ce sont les oiseaux. Ça s'est sa came. Il n'aime rien d'autre, uniquement les oiseaux. Quand il travaille il faut le mettre loin d'une fenêtre, sinon il cherche les oiseaux. Quand on discute il regarde ailleurs, sauf si on lui parle des oiseaux. Il ne veut pas aller chez mac do, il ne veut pas aller chez disney, il ne veut pas aller au cinéma (sauf si c'est un film sur les oiseaux), il veut voir des oiseaux. En vrai, en photos, en vidéo. N'importe, mais des oiseaux. Il les connaît tous, leurs noms, leurs spécificités, où ils vivent, ce qu'ils mangent... c'est une vraie encyclopédie sur le sujet. Il ne sait pas prendre le bus, il ne sait pas choisir une tenue, mais montrer lui un petit point au loin dans le ciel et il vous dira qui se cache sous ces plumes. Plus tard on lui cherchera une formation en animalerie ou en volière. Plus tard.

Antonin a eu des gens extra autour de lui, avec beaucoup d'implication et de bienveillance. Ils se sont renseignés auprès de gens qui eux ont été formé, ont appris sur le tas. Du coup, Antonin n'étant pas motivé par grand chose dans la vie, ils ont utilisé des renforçateurs pour que ce soit plus facile pour lui de travailler, plus confortable, plus motivant. Et devinez ce qu'ils ont trouvé comme renfo ? Ben les oiseaux, vu qu'il n'aime que ça.

Plus petit, en renforçateur immédiat. Quand il avait un comportement qu'on voulait voir réapparaître, paf, oiseau. Plus tard en économie de jeton. Quand Antonin finissait une ligne, un exercice, hop un jeton. Et avec les jetons ? Oiseaux ! Des oiseaux il pouvait en voir aussi dans le ciel, pendant son temps libre, par contre toutes les vidéos, les magazines... on les mettait de côté pour qu'il puisse les gagner avec ses jetons. Pour garder sa motivation.

Oui mais voilà, Antonin, ce pénible n'a pas réagit comme prévu, il s'est mis à se renfermer. A se gratter de manière compulsive. A paniquer devant son travail, et du coup à le rejeter. Sans raison ! (j'adore le "sans raison" au travail. On va plutôt dire "sans raison identifiée"). Ses supers accompagnants ont réfléchi et se sont dit, très logiquement, qu'ils allaient mettre un renforçateur avec encore plus de valeur. Genre des supers vidéos d'oiseaux, et une sortie à gagner en fin d'année. C'est ce qu'on voit en formation, quand ça cafouille c'est que le renforçateur n'est peut être pas assez fort par rapport à l'effort. C'est vrai.  

Mais peut être faudrait-il un peu plus insister sur « ce qu'on renforce ». Le principe du renforçateur c'est qu'il renforce le comportement que l'on vient d'avoir. Si quand vous vous grattez je vous mets une gifle (ce qui n'est pas adapté), au bout d'un moment, même si je vous dis « je te tape parce que tu as les cheveux bleus » vous allez flipper à chaque démangeaison. Même si maintenant vous avez les cheveux rouges. Ce n'est pas ce qu'on dit qui est important, c'est la proximité action/renfo.

Revenons à Antonin. Il ne vit que pour les oiseaux. Il y a accès... quand ? A la fin de ses exercices. Et ses exercices finissent quand ? Quand il a réussi, vu qu'on est en situation d'apprentissage. On va pas lui donner un renfo en plein milieu et risquer de plus avoir de quoi tenir sa motivation hein.

 

Donc... ben oui, on renforce la réussite. Tadam. On a presque réussi a développer notre angoisse.

Le deuxième élément c'est que Antonin en a besoin de ces oiseaux. BESOIN. Oui en tant que neurotypique on a un peu de mal à le comprendre, mais ce n'est pas une simple envie, c'est un besoin. Quand tout est compliqué, que rien n'est intéressant, que tout est long, que rien n'est motivant, et qu'accessoirement on a un cerveau qui ne fonctionne pas comme celui du voisin, ce super truc sur lequel notre cerveau se focalise, on en a besoin (bon on va dire que je l'ai assez dit là). Quand on a décidé de retirer toutes les vidéos, les sorties, les magazines des oiseaux pour pouvoir les gagner quand on réussi, on a associé l'accès à ce besoin à la réussite. Et donc l'absence de réussite à la non réponse à ce besoin.

 

Voilà c'est fini, on a nos ingrédients. Au début c'est discret, puis on commence à voir en se disant qu'il a vraiment envie de réussir, on en est même plutôt content parce qu'on a crée de la motivation. Puis il se fâche quand il n'y arrive pas, il s'ennerve de plus en plus et finalement on a notre Antonin qui ne veut plus essayer et qui s'enferme sur lui même en attendant de pouvoir voir des oiseaux dans le ciel.

La technique n'était pas mauvaise, c'est le moment du renfo qui n'était pas bon. Ce qu'on voulait avec Antonin, c'est renforcer « l'effort », le fait d'essayer, de maintenir son attention, pas forcement de réussir. Mais ça on a beau lui dire, l'effet renforçateur, c'est comme Sega, c'est plus fort que toi. Une des solutions qui a été adoptée avec lui est de renforcer juste avant le résultat, pour montrer on renforce la recherche. C'est aussi par exemple de renforcer des temps de travail, visible avec un timer. A la fin du timer on s’arrête et on gagne le jeton, même si on a pas fini ! (truc de fou hein ! Je vous raconte pas au début comment ça a été compliqué de le lui faire accepter). Enfin on ne s'approprie pas son besoin. Non, on ne retire pas tous les magasines des oiseaux en les laissant accessibles que quand ils sont mérités. C'est important de trouver des cadres de travail pour ces jeunes qui leur permettent les apprentissages dont ils auront besoin plus tard. Mais bordel, c'est des jeunes quoi, des enfants, des ados, et même des adultes. Ils ont besoin qu'on les lâche un peu parfois, d'avoir leurs moments de décompression, de plaisir. Et puis c'est ses affaires. Allons faire ça avec un ado typique, on va avoir une crise d’anthologie. Avec Antonin on lui a donc rendu ses magazines. Il a sa petite bibliothèque, quelques vidéos qu'il aime bien. Les renfo qu'ils gagnent sont de la nouveauté. Une nouvelle photo. Un nouveau magazine. Une nouvelle vidéo. Mais ce qui est gagné, on ne le reprend pas, c'est à lui en accès libre. Je suis d'accord il y en a beaucoup à la fin, mais si vous voulez je vous montre le bac à playmobil de mon neveu.

Antonin va mieux maintenant. Il nous trouve toujours ennuyeux, ne veut toujours pas aller chez mac do ou chez disney. Mais il a moins d'angoisses et augmente petit à petit son temps d'effort, bien indépendamment de sa réussite ou non.


Cet article devait être court, mais comme d'hab je m'emballe. J'espère avoir réussi à vous faire toucher du doigt l'importance des détails, surtout dans l'autisme. Et comme toujours, si vous ne voulez rien rater du blog  rejoignez nous sur la page facebook du blog, ou inscrivez vous à la newsletter !

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