Le grand machin et sa maman bleue

 

 

 

 

 

 

 

Des fois, les hypothèses sont plus nombreuses qu'on ne le pense.

Matteo est un grand machin. Vraiment grand, avec des grandes mains et de la force dans ses grands bras. C'est aussi un jeune adulte autiste, peu verbal hormis quelques mots mal articulés. Il a un petit niveau de développement, peu d'autonomie et beaucoup d'atypies sensorielles.  

Il rigole, se jette parfois par terre parce que vu son poids on est pas prêts de le relever pour des broutilles et peu accessoirement vous démonter la tête. Il a grandi, il se régule mieux, dans l'ensemble on se fait moins scrabouiller.

Les journées ne doivent pas être toujours faciles quand on a ce profil là. On flippe pas mal, parce qu'on n'anticipe pas vraiment ce qui va nous arriver. Les sensations agressent. On a mal au ventre, on ne sait même pas pourquoi.

 

On a envie de scrabouiller la tête de quelqu'un mais on sait qu'on a pas le droit, alors on se retient. On encaisse la lumière vive qui brûle les yeux. Le mal de tête lancinant. Les activités qui demandent des efforts et donc on ne comprend pas toujours le sens. Les autres jeunes qui s'agitent parfois, font un peu peur, parce qu'en 20 ans on a eu le temps d'expérimenter que parfois on n'est pas le seul à taper. 

Mais Matteo a fait de gros progrès de comportement, et malgré ses résultats aux tests développementaux il est plus autonome, se fait mieux comprendre et a beaucoup moins de troubles du comportement.

Bon sauf quand sa maman vient le chercher. Elle, il cherche encore à la scrabouiller à ce moment là. Tellement qu'à une époque elle était devenue bleue, sur tout le dos et tous les bras.

Dans ces cas là, en wonder professionnel, t'analyses là où elle se foire pour se faire taper à ce moment là, alors qu'avec nous, franchement ça va. Très humain ça, d'accoler cause et effet. En grande feignasse, notre cerveau aime bien les heuristiques de pensée, du type "si à son arrivée ça foire, c'est elle le problème".

Faut dire que la maman bleue, elle réagit. T'as beau lui expliquer le principe du retrait d'attention, elle, elle réagit. Ca n'aide pas c'est sur. Bon, en vrai, ça ferait 20 ans que je me prends des coups, de plus en plus fort, je réagirais peut être aussi, parce qu'elle n'a pas de rtt, pas de "la journée est finie je rentre me poser", pas de vacances ou de congés sans solde. On peut alors facilement avoir envie de se dire que si nous ça va, et elle elle se transforme en violette, c'est parce que nous on a la technique et pas elle. Si on la forme c'est bon, ça marchera.

Ou pas.

Y a quand même quelque chose qui pose question avec ce grand machin, c'est pourquoi ils pètent à ce moment là. Pas avec le taxi, pas avec l'educ qui le ramène chez lui, avec maman, de temps en temps papa. Pas 1 heure après, pas 2 heures après, au moment du retour.

Notre cerveau de feignasse à une autre heuristique de pensée qu'il dégaine souvent : s'il est autiste et qu'il fait un truc chelou... c'est parce qu'il est autiste. Hyper pratique comme façon de penser, et très automatique. Il boulotte des papillons : c'est parce qu'il est autiste. Il passe son temps à plisser les yeux : c'est parce qu'il est autiste. Il veut plus poser son pied droit : c'est parce qu'il est autiste. Encore une fois :

Ou pas.

Peut être qu'il a un truc dans le pied qu'on n'a pas vu. Peut etre qu'il a une hypersensibilité visuelle qu'on ne voit pas. Peut etre qu'il y a tout un tas de possibilités qu'on ne pense pas à regarder.

Le grand machin, il a un petit niveau de développement. Dans sa tête, au niveau affectif  il a quoi ? 18 mois ? 24 mois ? Moi ma fille à 24 mois, quand j'allais la chercher à la crèche c'était la fin du monde. Trop d'émotions de la journée, trop de choses contenues, d’événements au milieu de gens qu'elle connait mais qui ne sont pas une figure d'attachement. Elle n'attendait que mon arrivée, mais une fois que j'étais là c'était pire que Paris Hilton a qui on retire ses cartes de crédit. Elle hurlait, se couchait par terre, pleurait, ne voulait rien. Tu veux mettre tes chaussures ? BOUAAAAAH. Tu veux qu'on ne mette pas les chaussures ? BOUUAAAAAAH. Tout ce qu'elle avait retenu dans sa journée, tout ce qu'elle n'avait pas pu sortir, c'était pour moi. On pouvait y passer 20 minutes avant le retour du calme.

Vous imaginez si elle avait eu le corps d'une 20 ans ? J'aurais surement fini toute bleue.

Voilà voilà.

Peut être que ce n'est pas ça. Surement que la réaction de sa maman lui donne envie de recommencer son geste. Mais peut être que ce grand machin tout petit dans sa tête, est juste un enfant qui retrouve sa figure d'attachement et a besoin d'évacuer tout ce qu'on lui a fait vivre dans la journée, et qu'il n'a pas pu exprimer avec nous. 

Et ça ça change beaucoup de choses, parce que la solution à tester ce n'est plus forcement apprendre à cette maman à gérer le trouble du comportement généré par sa journée. C'est peut être à nous de modifier la journée en question pour voir si, en augmentant son confort sensoriel et émotionnel, on ne modifie pas son comportement du soir. 

Juste histoire d'être un peu plus bienveillant.

Après, je dis ça je dis rien.


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