La figure d'attachement

 

 

 

 

Ou "Tout allait très bien jusqu'à ce que tu arrives"

« C'est dingue, jusqu'à ce que t'arrives tout se passait nickel ».

Tu la connais cette phrase ? En cadeau, ses petites sœurs : « Avec moi il ne fait jamais ça ». « Je ne comprends pas pourquoi il fait ça avec toi, avec moi il ne se le permettrait jamais », voir ses cousines « il fait de toi ce qu'il veut » « il mène sa mère par le bout du nez » « j'ai plus d'autorité que lui alors que c'est son père ».

Bim

En fin de premier cycle, à l'approche des vacances, je me suis dis que ça pouvait être cool de faire le point sur ces pétages de plombs focalisés, ces colères à tête chercheuse, ces soit disant « caprices » qui nous sont réservés.  

Et c'est la pro du « on mettait 20 min à partir de la crèche pendant qu'elle hurle en se roulant sur les canapés sans trop de raison déterminée pendant que l'ensemble des professionnels et des parents te regardent en se disant : au mieux la pauvre, plus probablement:elle gère rien elle » qui vous parle.

Donc non, n'en déplaise à tatie Jaqueline, à madame Simone, à Wonder Brandon, ils n'ont pas de super pouvoir, de super compétence ou une connaissance innée et une autorité naturelle (enfin peut être, mais là n'est pas l'explication) et vous n’êtes pas une sombre loque laxiste devant votre enfant manipulateur.  

Par contre c'est le moment de leur faire un petit point sur la figure d'attachement.

La théorie de l'attachement est un peu longue à bien détailler, ceux qui veulent aller dans le détail peuvent faire des recherches sur Bowlby. L'idée est que le petit de l'homme, en bon mammifère social, à des besoins pour survivre, et dans ces besoins il y a l'attachement à une (ou plusieurs) figure particulière. Ça ne veut pas dire qu'il n'aime qu'une personne hein, il aime aussi mamie, tonton rigolo et même chouquette la hamster. Mais pour son développement le tout petit à besoin d'une sorte de figure de référence en qui il développe une confiance totale, un amour inconditionnel et qui est son point d'ancrage, son phare, ce qui lui donne une sécurité intérieure. C'est parce qu'il y a cette personne vers qui il peut toujours revenir QUOI QU'IL ARRIVE (c'est important par la suite) qu'il peut ensuite s'éloigner en toute sérénité.  

Intermède : Imagine. Tu as passé une journée pourrie, dans un mois pourris. Des semaines que tu as une pression de dingue au travail. T'es encore arrivé en retard parce qu'il y avait des embouteillages, alors que t'es parti super tôt. Tu viens d'apprendre que tu as une présentation à faire pour demain, alors que t'as pas les infos pour la faire, mais ça tout le monde s'en fout. Tu sais que tu vas te retaper les embouteillages au retour, et tu sais pas ce qu'on va manger ce soir parce que t'as cramé tes lasagnes hier soir. T'as un xème message de ta mère qui te dit que t'as pas appelé Odette pour son anniversaire et que c'est pas très gentil, parce qu'elle pense toujours à t'envoyer des confitures quand elle en fait, alors que c'est juste que TU N'AS PAS LE TEMPS. Bref, t'es stressé (tu peux tout changer par des éléments qui te stressent vraiment).

Tu te retrouves devant la pharmacienne qui lève les yeux au ciel en soupirant d'un air désagréable parce que t'as pas préparé la carte vitale, mais ça passe.

Tu croises la voisine qui te fait un speech sur le fait qu'il va falloir informer les gens sur la hauteur des haies, alors que la tienne est trop haute, mais ça passe.

 

Tu te retrouves devant chouchou.te-d'amour qui respire pas avec le bon poumon, et là tu craques. Tu lui gueules dessus, ou tu pleures ou tu fais un truc de quand tu craques. C'est pas parce qu'il a moins d'autorité sur toi que la voisine, la pharmacienne ou Nikos Aliagas. C'est parce que vous vous aimez, tu as confiance en lui, tu as besoin inconsciemment d'évacuer tout ce qui te stresse, et tu peux le faire avec lui/elle parce que tu sais que votre lien est assez fort pour y résister.

Avec le minimoys c'est pareil, sauf que lui a un cerveau immature, des capacités de communication sur ses ressentis limitées et est dépendant des gens pour sa survie. Donc il a encore plus d'excuses.

Toute la journée il va recevoir des tonnes de sensations, parfois pas agréables. Il va vivre des frustrations, des déceptions. Même s'il est avec des gens bienveillants, vu qu'il ne comprend pas encore tout et ne se projette pas dans le temps (qu'il ne conceptualise pas comme nous) il vit des moments d'angoisses et d'inquiétude. Et tout ça il l’emmagasine, un peu comme ton compte temps au travail sauf que lui c'est son compte émotion. Et le marmot, il a une sorte de mécanisme inné qui lui hurle en silence «  on ne se met pas en situation de vulnérabilité en public, on veut rester en vie ». Donc il prend un maximum sur lui. Faut dire que de base on était dans des cavernes, pas dans une crèche qui s'appelle « babytropchoucalinou ». Même avec mamie qu'il adore il n'y a pas ce lien, cette « figure d'attachement ». 

Alors autant vous dire que quand elle débarque la figure, c'est l'évacuation, la libération. Pour le moindre truc, parfois pour rien du tout, notre chaton se transforme en toute une armée de gremlins qui aurait mangé après minuit. C'est pas parce que vous êtes mauvais, ou incompétents, ou qu'il faut cadrer, ou qu'il était mieux là où il était.. C'est PARCE QU'IL VOUS AIME. D'une manière totale et inconditionnelle, et que la confiance qu'il a dans votre lien est sans limite. C'est avec vous qu'il peut tout relâcher, qu'il peut extérioriser tout ce qu'il a encaissé dans sa journée, qu'il peut évacuer toutes ces tensions qui sont mauvaises pour lui. Bon on préférerait qu'il puisse nous dire « tiens, aujourd'hui Enzo qui pleure en jetant des objets c'était un peu impressionnant » mais il sait pas hein, pour l'instant il sait balancer ses chaussons et mordre dans son écharpe.

Du coup, la prochaine fois qu'on lui dira que « c'est pas bien de faire ça à maman/papa, tu étais si mignon jusque là » vous pourrez expliquer cette théorie. Et si vous sentez qu'il y a un « je suis meilleur que toi » de sous entendu, vous pourrez rajouter un petit « dis donc, tu as du en retenir des émotions aujourd'hui, il était temps que j'arrive ».

 

C'est gratuit, mais des fois ça fait du bien.

Dans tous les cas, retenez que c'est parce qu'il vous aime et qu'il a confiance qu'il se permet ça, et que la meilleure des réponses à donner à ça c'est de l'amour en retour.


Voilou j'espère que cet article vous aura inspiré ! Et comme toujours, si vous ne voulez rien rater du blog  rejoignez nous sur la page facebook du blog, ou inscrivez vous à la newsletter !

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Commentaires: 6
  • #1

    Sylvie B (jeudi, 17 octobre 2019 07:56)

    Envoûtant

  • #2

    Floriane (jeudi, 17 octobre 2019 10:19)

    Très, très bon article, écrit avec humour, légèreté mais où tout est dit. Ce n'est pas le premier article que je lis sur ce sujet et je dois dire que c'est le plus déculpabilisant que j'ai lu. Pas de grandes théories rébarbatives, juste ce qu'il faut pour comprendre le pourquoi du comment et Ca fait vraiment du bien ! J'ai presque hâte de retrouver mes grimlins ce soir � pour leur faire un gros câlin d'amour !

  • #3

    Lisou (jeudi, 17 octobre 2019 10:45)

    Article très intéressant. Merci.
    Pouvez-vous nous dire jusque quel âge en moyenne un enfant va se laisser aller avec sa(ses) figure(s) d’attachement ?

  • #4

    Chutmamanlit (vendredi, 18 octobre 2019 15:51)

    @Lisou : je crois que... jamais ? Dans le sens où même adulte, on réagit encore comme ça avec notre conjoint qui est notre figure d'attachement ; j'ai bien peur que les enfants arrêtent de le faire le jour où on ne l'est plus cette figure justement... Et ça en est presque triste :'( :'( (mais bon, je dis ça, mon aîné n'a que 3 ans alors j'ai le teeeeemps !)


    En tout cas, merci pour cet article car on a beau le savoir, parfois ça fait du bien de le relire... C'est exténuant d'être cette figure...

  • #5

    Notsil (vendredi, 18 octobre 2019 17:17)

    Tellement bien dit ^^
    (et même quand ils savent parler ça n'évite pas les crises à la moindre petite contrariété au retour de l'école, y'a toujours ce besoin de lâcher les vannes).

    +1 pour Chutmamanlit , je crois aussi (enfin j'espère, quelque part ^^), que ça ne s'arrêtera jamais. Mais, ça devient moins "violent" une fois la parole acquise, je trouve.

  • #6

    Sylvie (dimanche, 20 octobre 2019 18:02)

    Très intéressant. Après l avoir vécu et sans doute pas la seule..