Institution et rigidités alimentaires, on force ou pas ?

 

 

 

 

Pour un peu de bienveillance devant nos assiettes

Hello, j'écris cet article parce que c'est un sujet qui revient souvent en institution, parfois abordé par certains parents au libéral et sur lequel une stagiaire m'a demandé mon avis il y a peu. Il y aurait bien des choses à dire sur l'alimentation, mais vu que je ne sais jamais faire bref, pour l'instant je ne vous présente que le versant hypersensibilité/rigidité.

Face à ces gamins qui ne mangent RIEN à table, on se retrouve souvent face à ce questionnement : Est ce qu'on leur fait un repas spécifique ou est ce qu'on part du principe que « un enfant ça se laisse pas mourir de faim » et on le laisse devant son assiette en attendant qu'il se décide à manger ?

 

Attention, je ne parle pas du relou lambda qui comme moi, devant son repas de cantine teeeellement appétissant, réclame une raclette ou une assiette de pâtes noyée sous le gruyère (bon vous avez compris mes envies du jours). Je parle de celui qui par atypie sensorielle trouve la plupart des aliments écœurants, et est dégoutté par ce qu'on lui met dans son assiette (ou anxieux, ou n'importe quoi qui fait qu'il préfère rester avec sa faim toute la journée plutôt que d'avaler ça).

Je vous spoil un peu la suite, dans les institutions que j'ai fréquenté, la réponse était très généralement « il reste devant son assiette » assorti de « c'est trop compliqué à mettre en place » et autres « les autres vont pas comprendre que le repas soit différent » de la part des Gens-du-dessus t'sais ceux qui sont dans un bureau et qui ne les voient pas de la journée). Et puis ok, il mange que ce qui est blanc, mais une purée de carotte c'est pas si mauvais hein, c'est pas un salsifi, et c'est bon pour la santé.

 

Ben si, pour lui c'est si mauvais.

Sauf que, poum poum poum (#mesgrossabots), l'alimentation est un besoin PRIMAIRE et FONDAMENTAL, et les rigidités alimentaires / atypies sensorielles un handicap.

Voilà voilà. Je sais, il est nase comme handicap, comme tous les handicaps invisibles, parce que vu qu'on le voit pas il doit pas être si terrible que ça. On va jouer à réécrire la situation avec un autre handicap. On est vraiment des foufous #labienveillanceestfacétieuse

Imaginons un enfant (on va l'appeler Julian) qui auraient un handicap moteur (du genre qui se voit bien) et qui ne peut faire ses besoins que sur un siège adapté. C'est un siège qui est plus joli et plus confort que le siège des toilettes des autres enfants. Les autres enfants auraient bien envie de ce siège, mais eux, ils arrivent à faire leurs besoins sur les sièges un peu nases normaux. Pas Julian. Lui il ne peux faire que sur le siège adapté à son handicap.

 

Maintenant imaginons une réunion où quelqu'un va dire « franchement, c'est compliqué à mettre en place juste pour lui. Et puis les autres aussi vont vouloir faire leurs besoins dessus, ils vont pas comprendre. Le plus simple c'est qu'on le laisse dans son caca toute la journée, et puis comme c'est désagréable il apprendra à se retenir jusqu'à ce qu'il rentre chez lui pour faire sur son siège ».

Bingo, si ton collègue t'a enregistré tu passes au JT, t'es relayé sur tous les réseaux sociaux, on te jette des cailloux et tout le monde est choqué. Parce que laisser un gamin handicapé sans répondre à un besoin PRIMAIRE et FONDAMENTAL c'est juste honteux et scandaleux (et un peu inhumain).

Ben voilà, pour celui qui a un handicap sensoriel c'est pareil. Donc on lui donne a manger, même si ça demande de s’organiser.

On peut entendre que ça ne soit pas évident à mettre en place hein, mais c'est un peu pas son problème et un peu pas le notre non plus d'ailleurs. Gérer des budgets qui font une cure de slimfast tous les ans, c'est pas notre responsabilité et ça n'a pas a se répercuter sur les patients et les personnes vulnérables.
L'alimentation est un apprentissage. Chez certain ils se fait de manière rapide et spontanée. Chez d'autres il va prendre du temps. Chez une minorité il va demander une rééducation.

Alors c'pas parce que quelqu'un qui a fait la formation « commentaires de tata Odette » a décrété que c'était un caprice qu'il faut s’arrêter là. Si on va voir Julian dans son fauteuil, qu'on lui demande d'arrêter ses caprices à vouloir se faire pousser dans un fauteuil roulant plutôt que de marcher, au mieux on va gagner un arrêt maladie le temps de se poser les bonnes questions. Là c'est pareil. On parle d'hyper, d'hypo, d'atypies.. mais à l'arrivée on parle surtout d'handicap sensoriel. Il ne peut pas faire un effort pour manger ce qu'on lui sert. C'est ça son handicap.

 

 

Bon une fois que ça c'est posé, au lieu de faire la liste de pourquoi on ne peut pas, on cherche ce qu'on fait pour pouvoir

  • Il ne peut pas avoir un repas différent ? On demande aux parents.
  • Ça va faire envie aux autres ? On fait une table pour les enfants avec ce genre d'handicap. L'avantage c'est qu'ils n'auront jamais envie de l'assiette du voisin.
  • On se dit qu'on est pas d'accord pour qu'il ne mange que du céleri branche toute sa vie ? On met en place un programme de rééducation sensorielle. Pas un truc au pif où on lui dit « mais maaaaange, c'est bon ! » pendant qu'il vous balance sa purée courgette-carbo au visage, mais un truc du genre formé, documenté. Bon souvent personne n'est formé dans les institutions (ça commence) mais imaginez que demain on demande à des AMP de faire la rééducation du langage, ou aux moniteurs éducateurs de faire les massages des gamins en fauteuil, ça va paraître un peu stupide, ce n'est pas leur formation. Bah là c'est pareil. Former une personne référente du projet par institut qui reçoit du public demi-pensionnaire, en e-learning, c'est pas ça qui fera couler l'ARS.

 

Pour l'anecdote, je me souviens d'un grand bonhomme, grosse déficience intellectuelle, quasi pas de parole et qui faisait une tête de plus que moi, qui ne mangeait que du pain. Il venait à la journée, souvent avec des activités sportives, mais il ne mangeait rien. Au repas, il ne faisait que réclamer le pain. Selon la personne à la table où il était, il avait du pain, où on le rationnait. 3 tranches par repas c'est déjà beaucoup.  

?

3 tranches EN GUISE de repas, c'est rien. Du coup, les jours de mauvaise pioche, il partait à la piscine avec 3 tranches de pain dans le ventre... et le rab était jeté. Dans quel univers adulte typique on vous laisse avoir faim pendant qu'on balance ce qui reste ? Même à l’hôpital je me rappelle avoir demandé du pain parce que le plateau était immangeable pour moi, et on m'a apporté plusieurs morceaux et un café au lait. Sur le coup je venais d'avoir mon diplôme, ce n'était pas mon domaine de responsabilité, je n'ai rien dit. Autant dire qu'aujourd'hui ils auraient vu un minimoys avec l'accent du sud devenir tout rouge et partir dans les aiguës quand elle s'ennerve. Qui que tu sois derrière ton écran, si tu vois ça, ennerve toi aussi.

En conclusion : Oui un enfant, un adulte vulnérable qui a faim et qui dépend de nous pour manger, on le nourrit. Du mieux qu'on peut, et si le mieux c'est du riz blanc à tous les repas, pour l'instant on fait comme ça.

 

Je ne vous ferai pas ici toute une formation sur le sensoriel, ce n'est pas le lieu ni le cadre. Mais si le sujet vous intéresse je peux vous faire un article avec des petites pistes à explorer.


Voilou j'espère que cet article vous aura parlé ! Et comme toujours, si vous ne voulez rien rater du blog  rejoignez nous sur la page facebook du blog, ou inscrivez vous à la newsletter !

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